H. Analyse lexicq-stylistique du texte 


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H. Analyse lexicq-stylistique du texte



APPROCHES DU TEXTE

1. Dégagez le thème central du texte. Une fois le thème central
formulé, relevez tous les mots du texte qui s'y rattachent. Distinguez
les mots qui se rapportent à ce thème directement et indirectement (par
association). Formulez la (ou les) raison qui vous incite à classer tel ou
tel mot dans ce thème.

2. Observez la réalisation dans le texte de l'opposition centrale: vil­
le— village. Que nous apporte cette opposition? Relevez les mots qui la
créent.

3. Recherchez d'autres éléments du texte qui renforcent cette oppo­
sition (composition du texte, détails caractéristiques, descriptions, souve­
nirs des personnages, etc.). Faites une attention particulière au rôle de
la description de Noël en ville et à la campagne.

4. Y a-t-il d'autres oppositions dans ce texte? Formulez-les, dites
comment elles se réalisent. Parlez de leur rôle dans la mise en relief
des idées du texte.

5. Relevez tous les mots associés au thème «La foule» et les mots
qui évoquent l'idée de la foule.

6. Comment ce thème est-il lié au thème des sentiments de Quan-
tin?

7. Analysez le rôle des comparaisons employées par l'auteur.

 

8. Etudiez le détail du texte. Parlez de son rôle dans la mise en
relief des idées du texte.

9. Quel est le rôle des souvenirs et des associations de Quantin
dans la réalisation de l'idée maîtresse du texte?

10. Peut-on sentir l'attitude de l'auteur envers Quantin? Grâce à
quoi?

11. Avez-vous senti dans les descriptions du texte qu'il s'agit d'une
ville moderne? Grâce à quoi? Relevez et analysez tous les éléments du
texte qui vous ont permis de le voir.

PREMIERES NOTIONS LINQUISTIQUES

Antonymes

Le lexique d'une langue a un caractère systématique, c'est-à-dire qu'on peut dégager dans le vocabulaire quelques ensembles lexicaux réu­nis selon quelque indice. Ce sont, par exemple, les séries synonymiques, les ho.nonymes, les acceptions d'un mot polysémique et les antonymes. Les antonymes sont les mots qui expriment des notions contraires, qui ont ui sens opposé. Pourtant, les antonymes doivent avoir toujours quel-


que indice commun; les mots qui n'ont rien de commun dans leur sens ne peuvem pas être antonymes (par exemple, table et carotte, etc.) Chaud et froid sont des antonymes parce qu'ils ont un indice commun — la température.

Le plus souvent les antonymes sont des mots qui ont des racines différentes. Mais il y a des antonymes formés par voie affixa'e; les suf­fixes et les préfixes confèrent au mot dérivé un sens contraire à celui du mot de base. Ce sont surtout les préfixes qui forment des antony­mes— dé-(dés-, dis-): plaire—déplaire, joindre — disjoindre, illusion — désillusion; in- (im-, ir-, il-): réel — irréel, limité — illimité, morte — immortel; me-(mal-): content — mécontent, propre — malpropre.

Dans un texte littéraire les antonymes peuvent jouer un rôle très important: ils constituent la base lexicale des oppositions, des contrastes ce qui permet de créer des caractéristiques plus profondes des personna­ges, contribue à la mise en relief des idées du texte, etc. Par exemple, dans le texte étudié il y a une opposition de la neige «à peu prèsblan-che» à la neige «sale, presque noire». Cette opposition purement lexica­le (basée sur les antonymes) fait partie de l'opposition centrale de tout le texte: ville — village, qui est nécessaire pour la caractéristique du personnage principal du texte — Quantin, de son état d'âme, etc.

EXERCICES

I. 1) Remplacez les mots en italique par les antonymes trouvés dans un dictionnaire:

1. A cause du temps très bas, il faisait déjà presque nuit. 2. La ville c'était ce bruit des voitures, cette marche des gens inconnus, tous pareils... 3. Les cantonniers avaient des mouvements lents, des pauses, une façon de traîner leur outil derrière eux lorsqu'ils se déplaçaient qui témoignait d'une immense fatigue. 4.... tout lui semblait très loin de l'idée qu'il avait pu se faire de la ville. 5. Les lampes des magasins étaient déjà allumées. 6. Il éprouvait une sorte de vertige à se trouver ainsi, sous cette lumière, entre ces maisons hautes, et l'image de la plaine infinie lui revenait sans cesse. 7. Il avait essayé de se faire une idée précise de son existence. 8. Dans les rues avec toutes ces lampes, on ne voyait même pas l'avance du crépuscule. 9. La bise s'était levée et, malgré sa pelisse, il était glacé. 10. Mais il était mal à l'aise sur ces trottoirs... 11. Il n'arrivait pas à allonger normalement son pas et sa marche était extrêmement pénible. 12. Plus Quantin avançait, plus la foule était dense. 13. Ce n'était rien qu'un peu de tiédeur...

2) Nommez quelques mots du texte qui par leur sens ne peuvent pas avoir d'an­tonymes.

II. Relevez dans le texte les antonymes qui servent de base lexicale à la création
des oppositions thématiques; expliquez de quelle façon l'emploi des antonymes
contribue à la réalisation des idées du texte.

Modèle: Marie-Louise leur avait beaucoup parlé de tout cela, et il avait en mémoire quelques détails précis, mais tout le reste demeurait vague.


L'emploi des antonymes précis-vague permet d'opposer la mentalité paysanne de Quantin qui était toujours précise, exacte, à l'idée va­gue qu'il avait de la vie de sa fille dans une grande ville, et de cette ville en général.

III. 1) Trouvez dans un dictionnaire les mots de la même famille que les mots sui-

vants:

sale, la largeur, allumer, précis, la peinture, artificiel, plein, éclairer, allonger, la folie, redouter, s'aplatir.

2) Dégagez les affixes (suffixes et préfixes) à l'aide desquels sont formés les mots; précisez le rôle de chaque affixe (formation d'une partie de discours, changement de sens, apparition d'une valeur expressive, d'une nuance stylis­tique, etc.).

IV. 1) Observez l'emploi des synonymes tirés du texte:

1. A cause du temps très bas, il faisait déjà presque nuit. Quantin
le remarqua en sortant sur l'esplanade. Mais, place Bellecour où l'éclai­
rage est plus rare, Quantin s'aperçut que la nuit était là.

2. La ville, c'était ce bruit des voitures, cette marche des gens in­
connus, tous pareils, dont les visages n'exprimaient rien qu'il pût com­
prendre. Il finit par marcher sans plus regarder les visages tous sem­
blables...

 

3.... l'image de la plaine infinie lui revenait sans cesse. Il finit
par marcher sans plus regarder les visages tous semblables, comme saou­
lé par ce mouvement incessant du vacarme. La ville, c'était ce bruit de
voitures, cette marche des gens inconnus...

4. Il avait essayé de se faire une idée précise de son existence, de
sa chambre, de son travail. Depuis leur séparation, il avait vécu en pen­
sant à elle, mais sans, jamais chercher à se représenter vraiment sa vie.

5. Serait-elle vraiment heureuse s'il parvenait à l'emmener avec lui?
Il n'arrivait pas à allonger normalement son pas et sa marche était ex­
trêmement pénible.

6. Dans les rues, avec toutes ces lampes, on ne voyait même pas
l'avance du crépuscule. Il se hâta dé traverser cet espace de pénombre.

7. Mais il était mal à l'aise sur ces trottoirs où les gens marchaient
vite. Elle devait s'y mouvoir sans être gênée.

8.... le plus souvent, le visage des gens et leur attitude reflétaient
une sorte de hargne, de rage froide qui contrastait avec tant de lumiè­
re. Malgré la boue, ta haine, le froid, les curieux continuaient à se
presser...

9. Devant cette cohue, Quantin pensait à sa maison toute seule dans
la neige propre. Elle devait un peu mépriser cette foule.

10. Toutes les rues étaient de longs tunnels de lumière. Ce n'était
rien qu'un peu de tiédeur, une toute petite lueur lointaine, mais cela
semblait solide à côté de cette folie de la ville.

2) En vous servant d'un dictionnaire de synonymes distinguez les synonymes qui sont employés pour éviter la répétition, des synonymes dont les nuances dis-tinctives sont senties dans le texte; précisez ces nuances, commentez leur rôle dans le texte.


III. AUTOUR DU THÈME

Textes complémentaires

1. a) Faites individuellement une première lecture rapide des trois premiers textes. Relevez celui où l'on parle des inconvénients de la vie à la campagne et celui qui montre ses avantages.

b) Lesquels de ces textes parlent des côtés négatifs de la vie dans une grande ville?

Ils étaient arrivés à Almunecar la veille au soir et ils n'avaient quit­té la maison que pour gagner la plage ou flâner sur la promenade bor­dée de maisons bourgeoises.

— Dans ce village-ci, dit Suzanne, les gens vivent encore plus misé­
rablement...

— Oui, il y a peu de terre, acheva André. Et la bonne terre de la
vallée n'appartient certainement pas aux paysans.

Les portes de ces habitations basses et grossières étant ouvertes, ils apercevaient de pauvres intérieurs, une pièce qui servait de chambre et de cuisine, de dortoir ou d'étable. Dans un espace étroit, sur un sol de. terre battue, vivaient, végétaient des hommes, des femmes, des enfants,' des bêtes — chats, poules, chèvres. Des meubles frustes, quelquefois une étoffe. Une puanteur flottait, à laquelle se mêlait une odeur d'huile rance, d'oignon, de lait caillé.

D'après E. Dabit, Train de vies

Ce matin c'est le grand gel et le silence. C'est le silence, mais le vent n'est pas bien mort; il ondule encore un peu; il bat encore un peu de la queue contre le ciel dur. Il n'y a pas encore de soleil. Le ciel est vide; le ciel est tout gelé comme un linge étendu.

Il y a du feu chez Panturle. Il se lève au blanc de l'aube. Il est là, debout, devant l'âtre, à regarder les flammes bourrues qui galopent sur place à travers des ramées d'oliviers sèches. Il prend le chaudron aux pommes de terre. De l'eau et des pommes de terre c'est tout à la fois, la soupe, le fricot et le pain.

Le feu d'oliviers, c'est bon parce que ça prend vite mais c'est tout juste comme un poulain, ça danse en beauté sans penser au travail. Comme la flamme indocile se cabre contre le chaudron, Panturle la ma­te en tapant sur les braises avec le plat de sa main dure comme de la vieille couenne.

D'après J. Giono, Regain

Hors de la classe quotidienne, les jeunes se retrouvent dans les rues de la ville, à laquelle incombe la charge des œuvres périscolaires et post-scolaires. C'est à la ville qu'il appartient de fournir les terrains de sport, d'ouvrir une école de musique, d'entretenir un théâtre d'essai, d'équiper un atelier de poterie... Mais il arrive souvent que la ville 170


qui contient les jeunes les chasse de partout; elle n'est pas faite pour eux. Elle rétrécit les surfaces de leurs ébats, élimine les lieux de leurs rencontres.

D'après L'éducation

2. a) Ecoutez l'enregistrement du texte «Le retour à la nature». b) Repérez-y les idées et les sensations suivantes:

1) L'amitié et la communauté d'intérêts aident à surmonter toutes les difficultés; 2) Les brusques changements du mode de vie sont diffi­ciles à supporter; 3) La solitude aide l'homme à surmonter les difficul­tés; 4) II faut savoir faire de petits sacrifices pour atteindre de grands buts; 5) On n'est pas toujours heureux quand on est riche.

LE RETOUR Л LA NATURE

Vivre en ville, c'est le bruit, le monde, l'air pollué, la fatigue... De plus en plus de gens voudraient retrouver l'herbe verte, l'eau claire, le chant des oiseaux. Mais ce retour à la nature est bien difficile. Il faut pouvoir oublier le confort et les plaisirs de la ville, avoir le coura­ge de prendre de nouvelles habitudes, accepter l'idée de gagner moins d'argent, et surtout, peut-être, savoir se préparer pour une vie nouvelle.

Maryvonne, après une expérience de trois mois dans la montagne, est rentrée à Paris. Maryvonne a dix-huit ans, un visage très joli, mais un air triste. Pourquoi? Maryvonne voulait faire de la peinture en tou­te liberté, loin du bruit et du travail scolaire. Maryvonne ne voulait plus étudier des choses qui ne l'intéressaient pas... alors, avec ses ca­marades de classe, qui désiraient vivre de la même façon, elle a voulu installer une communauté dans un petit coin de montagne... Ces jeunes (ils. étaient dix) ont vécu trois mois d'hiver, trois mois très difficiles...

—Nous faisions du feu dans la grande pièce de la ferme, mais nous avions très froid, nous n'avions pas l'habitude de vivre avec si peu de confort! L'eau pour se laver était froide. Nous avons mangé du froma­ge et du pain tout l'hiver... Nous sommes revenus à Paris parce que nous ne pouvions pas vivre avec le peu que nous avions. Je n'ai pas pu faire de peinture parce que je me sentais un peu perdue, sans con­seil... et puis nous avons eu peur de nous retrouver plus tard sans mé­tier... Maryvonne sourit:

— Peut-être avons-nous manqué de courage?

Voici, au contraire, l'expérience réussie de Pierre, vingt-huit ans, qui vit en communauté dans une petite ferme avec sa femme, six amis pa­risiens et deux enfants de quatre et six ans. Comment Pierre et ses amis ont-ils eu l'idée de venir dans ce coin de l'Ardèche où ils vivent de-puix deux ans?

— Moi, dit Pierre, je suis ingénieur et j'en avais assez de travailler
toute la journée dans mon usine; j'en avais assez du bruit, de la ville,
de la pollution. Avec Claire, nous avions vraiment besoin d'air. Nous


avons rencontré des amis qui pensaient comme nous. Nous avons acheté une petite ferme et nous nous sommes mis aux travaux de la campagne. Maintenant, nous pouvons vivre avec nos légumes, notre lait, nos fro­mages et nos œufs. Nous vendons la moitié de notre lait, nous élevons aussi des poulets... Nous sommes moins riches qu'avant, nous avons perdu le confort, mais nous avons une vie libre et heureuse dans la na­ture. Nous avons retrouvé des plaisirs simples comme celui de ramasser des champignons, de passer des soirées tranquilles et agréables entre amis, au coin du feu. Nous prenons enfin le temps de vivre...

Jeunes ou moins jeunes, de plus en plus de gens partent des villes. Communauté? Petite ferme perdue? Vacances dans la campagne dans un vieux village à restaurer? Il y a bien des moyens de retrouver la natu­re oubliée.


THEME: LA JEUNESSE


 


D'après Passe-Partout

Questionnaire

vous, vaut-il mieux vivre dans une grande ville ou à la

1. Selon
campagne?

2. Essayez de décrire les avantages et les inconvénients de la vie en
ville et de la vie à la campagne.

3. Parlez des graves problèmes d'une grande ville:

 

a) la problême des déplacements aux heures de pointe;

b) le problème de l'urbanisme, création de noyaux résidentiels.

 

4. Avez-vous des connaissances qui habitent la campagne? Viennent-
elles souvent en ville? Comment s'y sentent-elles?

5. Qu'est-ce qui est propre à la psychologie d'un citadin qui le dis­
tingue d'un villageois?

6. Etes-vous vous-même un(e) vrai(e) citadin(e) du point de vue psy­
chologique? Quelles qualités de votre personnalité le prouvent?

7. La différence entre la ville et la campagne, existera-t-elle en l'an
2000?

8. Aimez-vous vous trouver dans une grande foule en fête, dans les
rues animées la veille d'une fête? Décrivez vos impressions.

9. Connaissez-vous quelques œuvres (livres, tableaux, films) où le
thème de la vie dans une grande ville soit traité?

10. De quelle façon ces œuvres, reflètent-elles les différents aspects
du problème, les différentes attitudes envers lui?

11. Quelles sont les voies du perfectionnement, de l'aménagement des
vieilles villes?

12. Comment voit-on maintenant l'habitation humaine de l'avenir —
en ville ou à la campagne?

13. Si vous étiez architecte-urbaniste, comment aménageriez-vous une
ville au troisième millénaire?


ETUDE DU LEXIQUE

Distinguez

Différer — ne pas être semblable: Mon opinion diffère sensiblement de la sienne.

Remarques. 1. Le verbe différer n'est pas pronominal à la différence de son ana­logue russe. Cf: Ils diffèrent sur tous les points. —Они отличаются во всем. 2. Dans le langage familier au lieu de différer on emploie souvent être différent: En quoi est-elle différente des autres?

Se différencier — être caractérisé par telle ou telle différence: Le sa­pin et le pin se différencient par la aisposition de leurs feuilles.

Se distinguer—1. Etre ou se rendre distinct, différent de: Les con­tours se distinguent nettement. 2. S'élever au-dessus des autres, se faire remarquer: Cet élève s'est particulièrement distingué.

Remarque. La différence entre ces trois verbes est parfois peu sensible. On dira: Ces espèces diffèrent par leur couleur. Ces espèces se différencient par leur cou­leur. Ces espèces se distinguent par leur couleur.

Différent, -e—1. Qui diffère, qui présente une différence par rap­port à une autre personne, autre chose: Ses idées sont bien différentes des vôtres. 2. Pluriel (avant le nom) — distincts: // a voyagé dans dif­férents pays.

Divers, -es —Pluriel — qui présentent des différences qualitatives, en parlant des choses que l'on compare: Ils ont parié sur les sujets les plus divers.

Retenez

Importer (à qn) — avoir de l'importance, présenter de l'intérêt pour qn: Votre opinion nous importe beaucoup.

Expr.: N'importe qui, n'importe quoi, n'importe lequel, n'importe où (quand, comment).

Plaire à qn—lui être agréable: Ce repas leur a beaucoup plu.


/

II plaît à qn de faire qch, que: // lui plaît d'agir ainsi. Il ne me plaît pas qu'on se mêle de mes affaires.

Se plaire — 1. Se trouver bien dans un lieu ou avec qn: Vous vous plaisez ici. 2. Se plaire à faire qch: y prendre du plaisir: // se plaît à jouer des farces à ses camarades.

ATTENTION! Votre compagnie me plaît. — Мне нравится ваше об­щество. Je me plais en votre compagnie. — Мне нравится в вашем об­ществе.— или: Мне хорошо в вашем обществе.

Susciter qch — faire naître (un sentiment, une idée): Son interven­tion a suscité un intérêt profond.

Attention aux prépositions!

Faire confiance à qn: C'est difficile de lui faire confiance, elle m'a trompé tant de fois.

Oser faire qch: Comment a-t-il osé le lui reprocher? J'ose croire qu'il ira mieux.

Sembler (à qn) faire qch: Chaque minute lui semblait durer une heure.

UNE METAMORPHOSE

Jérôme avait vingt-quatre ans, Sylvie en avait vingt-deux. Ils étai­ent tous deux psycho-sociologues. Ce travail, qui n'était pas exactement un métier, ni même une profession, consistait à interviewer des gens, selon diverses techniques, sur des sujets variés. C'était un travail diffi­cile, qui exigeait, pour le moins, une forte concentration nerveuse, mais il ne manquait pas d'intérêt, était relativement bien payé, et leur lais­sait un temps libre appréciable.

Comme presque tous leurs collègues, Jérôme et Sylvie étaient deve­nus psycho-sociologues par nécessité, non par choix. Nul ne sait d'aill­eurs où les aurait menés le libre développement d'inclinations tout à fait indolentes. L'histoire, là encore, avait choisi pour eux. Ils auraient aimé, certes, comme tout le monde, se consacrer à quelque chose, sentir en eux un besoin puissant, qu'ils auraient appelé vocation, une ambi­tion qui les auraient soulevés, une passion qui les auraient comblés. Hé­las, ils ne s'en connaissaient qu'une: celle du mieux-vivre, et elle les épuisait. Etudiants, la perspective d'une pauvre licence, d'un poste et d'un salaire petit, les épouvanta au point qu'à peine se furent-ils ren­contrés— Jérôme avait alors vingt et un ans, Sylvie dix-neuf — ils abandonnèrent, sans presque avoir besoin de se concerter, des études qu'­ils n'avaient jamais vraiment commencées. Le désir de savoir ne les dévorait pas; beaucoup plus humblement, et sans se dissimuler qu'ils avaient sans doute tort, et que, tôt ou tard, viendrait le jour où ils le regretteraient, ils ressentaient le besoin d'une chambre un peu plus grande, d'eau courante, d'une douche, de repas plus variés, ou simple-174


nient plus copieux que ceux des restaurants universitaires, d'une voiture peut-être, de disques, de vacances, de vêtements.

Depuis plusieurs années déjà, les études de motivation avaient fait leur apparition en France. Cette année-là, elles étaient encore en pleine expansion. De nouvelles agences se créaient chaque mois, à partir de rien, ou presque. On y trouvait facilement du travail. Il s'agissait, la plupart du temps, d'aller dans les jardins publics, à la sortie des écoles, ou dans les H.L.M. de banlieue, demander à des mères de famille si elles avaient remarqué quelque publicité récente, et ce qu'elles en pen­saient. Ces sondages-express étaient payés cent francs. C'était peu, mais c'était mieux que le babysitting, que les gardes de nuit, que la plonge, que tous les emplois dérisoires traditionnellement réservés aux étudiants. Et puis, la jeunesse même des agences, leur stade presque artisanal, la nouveauté des méthodes, la pénurie encore totale d'éléments qualifiés pouvaient laisser entrevoir l'espoir de promotions rapides, d'ascensions vertigineuses.

Ce n'était pas un mauvais calcul. Ils passèrent quelques mois à ad­ministrer des questionnaires. Puis il se trouva un directeur d'agence qui, pressé par le temps, leur fit confiance: ils partirent en province, un magnétophone sous le bras; quelques-uns de leurs compagnons de route, à peine leurs aînés, les initièrent aux techniques des inter­views... Ils apprirent à faire parler les autres, et à mesurer leurs pro­pres paroles.

Leurs résultats furent honorables. Ils ramassèrent, un peu partout, des bribes de sociologie, de psychologie, de statistiques; ils assimilè­rent le vocabulaire et les signes, les trucs qui faisaient bien: une cer­taine manière, pour Sylvie, de mettre ou d'enlever ses lunettes, une certaine manière de prendre des notes, de feuilleter un rapport, une certaine manière de parler, d'intercaler dans leurs conversations avec les patrons, sur un ton à peine interrogateur, des locutions du genre de: «... n'est-ce pas...», «... je pense peut-être...», «... dans une cer­taine mesure...», «... c'est une question que je pose...».

Pour la première fois, ils gagnèrent quelque argent. Leur travail ne leur plaisait pas: aurait-il pu leur plaire? Il ne les ennuyait pas trop non plus. Ils avaient l'impression de beaucoup y apprendre. D'année en année, il les transforma.

Ce furent les grandes heures de leur conquête. Ils n'avaient rien; ils découvraient les richesses du monde.

Ils avaient longtemps été parfaitement anonymes. Ils étaient vêtus comme des étudiants, c'est-à-dire mal. Sylvie d'une unique jupe, de chandails laids, d'un pantalon de velours. Jérôme d'une canadienne cras­seuse, d'un complet de confection, d'une cravate lamentable. Ils se plon­gèrent avec ravissement dans la mode anglaise.

Leur rêve fut un voyage à Londres. A Paris, avec le premier ar­gent qu'à la sueur de leur front allègrement ils gagnèrent, Sylvie fit l'emplette d'un corsage en soie tricotée de chez Cornuel, d'une jupe droite et stricte, de chaussures en cuir... Jérôme, bien qu'il aimât en-

 
 

 


core, à l'occasion, traîner en savates, mal rasé, vêtu de vieilles chemi­ses sans col et d'un pantalon de toile, découvrit, soignant les contras­tes, les plaisirs des longues matinées: se baigner, se raser de près, /as­perger d'eau de toilette, enfiler, la peau encore légèrement humide,'des chemiser, impeccablement blanches, nouer des cravates de laine ou de soie. Il en acheta trois, chez «Old England», et aussi une veste en tweed, des chemises en solde, et des chaussures dont il pensait n'avoir pas à rougir.

Puis, ce fut presque une des grandes dates de leur vie, ils découvri­rent le marché aux Puces. Ils y allèrent chaque quinzaine, le samedi matin, pendant un an ou plus, fouiller dans les caisses. Et ils ramenai­ent des vêtements de toutes sortes, enveloppés dans du papier journal, des bibelots, des parapluies, des vieux pots, des sacoches, des disques. Ils changeaient, ils devenaient autres. Ce n'était pas tellement le besoin, d'ailleurs réel, de se différencier de ceux qu'ils avaient à char­ge d'interviewer, de les impressionner sans les éblouir. Ni non plus parce qu'ils rencontraient beaucoup de gens, parce qu'ils sortaient, pour toujours, leur semblait-il, des milieux qui avaient été les leurs. Mais l'argent — une telle remarque est forcément banale — suscitait des besoins nouveaux. Ils auraient été surpris de constater, s'ils y avaient un in­stant réfléchi — mais, ces années-là, ils ne réfléchirent point — à nuel point s'était transformée la vision qu'ils avaient de leur piopre corps, et, au-delà, de tout ce qui les concernait, de ce qui leur importait, de tout ce qui était en train de devenir leur monde.

Tout était nouveau. Leur sensibilité, leurs goûts, leur place, tout les portait vers des choses qu'ils avaient toujours ignorées. Ils faisai­ent attention à la manière dont les autres étaient habillés; ils remar­quaient aux devantures les meubles, les bibeiots, les cravates; ils rê­vaient devant les annonces des agents immobiliers. Il leur semblait comprendre des choses dont ils ne s'étaient jamais occupées: il leur était devenu important qu'un quartier, qu'une rue soit triste ou gaie, silencieuse ou bruyante, déserte ou animée. Rien, jamais, ne les avait préparés à ces préoccupations nouvelles; ils les découvraient, avec can­deur, avec enthousiasme, s'ém°rveiliant de leur longue ignorance. Ils ne s'étonnaient pas, ou presque pas, d'y penser presque sans cesse.

Les chemins qu'ils suivaient, les valeurs auxquelles ils s'ouvraient, leurs perspectives, leurs désirs, leurs ambitions, tout cela, il est vrai, leur semblait parfois désespérément vide. Ils se disaient parfois que la vie qu'ils mèneraient aurait le charme, la souplesse, la fantaisie des co­médies américaines; et des images merveilleuses, lumineuses, de champs de neige immaculés striés de traces de skis, de mer bleue, de soleil, de vertes collines, de feux pétillant dans des cheminées de pierre, d'au­toroutes audacieuses, de palaces, les effleuraient comme autant de pro­messes.

Ils abandonnèrent leur chambre et les restaurants universitaires. Ils trouvèrent à louer, tout près du Jardin des Plantes, un petit apparte-


nient de deux pièces qui donnait sur un joli jardin. Ils eurent envie je moquettes, de tables, de fauteuils, de divans.

Ils firent dans Paris, ces années-là, d'interminables promenades. Ils s'arrêtèrent devant chaque antiquaire. Ils visitèrent les grands maga­sins, des heures entières, émerveillés, et déjà effrayés, mais sans enco­re oser se le dire, sans encore oser regarder en face cette espèce d'acharnement minable qui allait devenir leur destin, leur raison d'être, leur mot d'ordre.

Et c'est ainsi que, petit à petit, s'insérant dans la réalité d'une Fa­çon un peu plus profonde que par le passé où, fils de petits-bourgeois sans envergure, puis étudiants amorphes et indifférenciés, ils n'avaient eu du monde qu'une vision étriquée et superficielle, ils commencèrent à comprendre ce qu'était un honnête homme.

Cette ultime révélation, qui n'en fut d'ailleurs pas une au sens strict du terme, mais l'aboutissement d'une lente maturation, couronna leur métamorphose.

D'après G. P e r e c, Les Choses

Questionnaire à partir du texte

1. Décrivez le travail de Jérôme et de Sylvie. Le trouvez-vous dif­ficile, intéressant? 2. Etaient-ils satisfaits de leur travail? Donnez vo­tre appréciation personnelle de ce qui attirait dans le travail Jérôme et Sylvie: «... il ne manquait pas d'intérêt, était relativement bien payé, et leur laissait un temps libre appréciable». 3. Pourquoi ont-ils décidé d'abandonner leurs études? Expliquez les sentiments qu'ils éprouvaient à ce moment de leur vie. 4. La vie de ces deux jeunes gens aurait-el­le été différente s'ils avaient pu trouver un autre métier? 5. Expliquez ce qu'étaient les étvdes dr motivation. (5. Que pensez-vous des «enquê­tes-minutes» desquelles s'occupaient Jérôme et Sylvie? 7. Y a-t-il quel­que équivalent à cette forme de sondage de l'opinion publique dans not­re pays? Parlez-en. 8. Racontez l'histoire de l'ascension professionnel­le de Jérôme et de. Sylvie et analysez-en les causes. 9. De quelle façon leur travail les a-t-il transformés? En quoi sont-ils devenus autres? 10. De quoi rêvaient Jérôme tt Sylvie? De quoi témoignent leurs rêves? 11. Décrivez leurs premières acquisitions. i2. Quelles étaient «les ri­chesses du monde» que découvraient Jérôme et Sylvie? Quelles est vo­tre attitude envers ces «richesses»? 13. Que pensez-vous de la passion «du mieux vivre» qui était la raison d'être de Jérôme et de Sylvie? 14. Décrivez leurs promenades dans Paris. 15. Jérôme et Sylvie, avai­ent-ils des doutes à cette période de leur vie? Pourquoi? 16. Se ren­daient-ils bien compte de leur métamorphose?

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Modèle de commentaire d'une phrase (répétition):

«Cette ultime révélation qui n'en fut d'ailleurs pas une au sens strict du terme, mais l'aboutissement d'une lente maturation sociale et psychologique dont ils auraient


été bien en peine de décrire les états successifs, couronna leur métamorphose». Cette phrase explique et ^développe l'idée de la précédente. Le fait que Jérôme et SyJvie ont compris ce qu'était un honnête homme n'était pas pour eux une découverte au sens propre de ce mot. Ils ont compris ceci grâce à leurs contacts avec des gens dif­férents, à leurs observations personnelles de la nature humaine, à leurs reflexions sur ce qu'ils voyaient et entendaient (maturation sociale et psychologique).

Mais ils ne s'en rendaient pas compte c'est pourquoi cela leur aurait été difficile de décrire, d'analyser les étapes de ce changement que l'auteur appelle maturation.

1. L'histoire, là encore, avait choisi pour eux.

2. Et puis, la jeunesse même des agences, leur stade presque artisa­
nal, la nouveauté des méthodes, la pénurie encore totale d'éléments qua­
lifiés pouvait laisser entrevoir l'espoir de promotions rapides, d'ascen­
sions vertigineuses.

3. Ils avaient longtemps été parfaitement anonymes.

4. Jérôme... découvrit, soignant les contrastes, les plaisirs des lon­
gues matinées.

5. Mais l'argent — une telle remarque est forcément banale—susci­
tait des besoins nouveaux.

6. Ils se disaient parfois que la vie qu'ils mèneraient aurait le char­
me, la souplesse, la fantaisie des comédies américaines.

7. Ils n'avaient rien, ils découvraient les richesses du monde.

8.... ils n'avaient eu du monde qu'une vision étriquée et superfi­
cielle.



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